Smoke
Dan Vileta (tr. Isabelle D. Philippe)
Le Livre de Poche
La fumée n'a pas toujours été là. Tous les livres d'histoire ont été réécrits, alors on ne sait plus quand ça a commencé. La fumée, celle qui sort des narines et des oreilles, voire de tous les pores de la peau quand le péché affleure. Seuls les roturiers fument en permanence. Quant aux aristocrates, blancs comme neige, ils se protègent de la suie des pauvres dans leurs propriétés à la campagne. Les riches ne fument pas.
L'intrigue démarre dans un collège où l'on éduque les fils des plus grosses familles du royaume dans une discipline de fer. Le linge est méticuleusement surveillé et toute trace de fumée est sévèrement punie. Lors d'un exceptionnel voyage de formation organisé par l'école, nous découvrons le Londres du XIXème siècle, considéré comme le lieu de la fumée et de la suie les plus noires. Nous assistons même à une exécution capitale à travers le regard horrifié des deux amis Thomas et Charlie. C'est là que Thomas, effondré de dégoût, va assister à une scène incompréhensible.
Pour les vacances, les deux amis sont invités à la résidence de lord Naylor qui s'occupe de l'éducation de Thomas, orphelin. Ils y rencontrent Livia, une jeune fille de leur âge, rigide et monacale à force de vouloir vaincre la fumée seule. Arrive alors au manoir Julius Spencer, fils d'un premier mariage de lady Naylor, mais aussi collègue d'études des deux garçons. Bien qu'il profite de son statut de préfet de la classe pour humilier ou même terrifier ses comparses, Julius ne fume jamais. Quel est donc ce mystère ?
Thomas et Charlie pressentent qu'il se passe de drôles de choses au château, que lady Naylor a des activités bizarres, que Julius cache quelque chose et donc, avec l'aide d'abord timide de Livia, ils vont se mettre à fouiner et mener leur enquête. Leurs investigations vont les mener bien plus loin qu'ils n'auraient oser l'imaginer puisqu'une tentative d'assassinat va les contraindre à fuir, se cacher au fond d'une mine et retourner à Londres, la mère de tous les vices.
Ce roman, salué par la critique anglaise à sa sortie, est original et intriguant à plus d'un titre. Certains y ont vu un côté dickensien dans sa description d'une société victorienne dystopique aux classes qui ne se mélangent pas. L'analyse psychologique des personnages est assez poussée, y compris dans l'idée qu'ils se font d'eux-mêmes puisque les angles de vision de l'intrigue ne cessent d'alterner. Au fil de la narration, les personnages adolescents changent et dévoilent d'autres facettes de leur personnalité. La réflexion sous-jacente prend parfois un peu (trop ?) le pas sur l'intrigue pour devenir une méditation philosophique qui ne manque cependant pas d'intérêt.
« Smoke est une réflexion provocante sur la nature du mal, du pouvoir, de la foi et de l’amour. » Publishers Weekly.
CB
Chronique parue dans Gandahar 17 Cités du futur en avril 2019