Ce matin, je suivais un petit chemin facile qui descendait le long du Puy de Jussat avec ma vieille toutoune Lilou et les deux jeunes chiennes de mon voisin François.
Ne voyant plus Lilou, je rebrousse chemin. Pas de Lilou. Je l'appelle, je siffle, je l'appelle, je ressiffle, pas de Lilou ! Les deux jeunettes se lancent dans la ravine pour l'explorer et au bout d'un moment reviennent bredouilles.
Je me remémore la dernière fois où j'ai jeté un œil sur ma chienne. Elle se tenait tout au bord du sentier et regardait vers le bas. Un pressentiment me dit qu'elle a dérapé et roulé dans le ravin.
Je continue à remonter le sentier en inspectant la pente à travers l’entrelacs de branches et de ronces et soudain que vois-je ? Lilou à cinq mètres en contrebas, aplatie contre un arbre qui l'empêche de glisser plus bas. Je descends avec précaution car la roche désagrégée est glissante. Puis je m'escrime comme une forcenée pour la faire remonter, mais rien à faire, elle est tétanisée par la peur et ne fait rien pour m'aider. Les deux frangines attendent sur le chemin. Tout en sueur, je m'arrête pour réfléchir. Puisqu'il n'y a pas moyen de monter, descendons ma foi. Prenons la pente en diagonale, nous verrons bien où cela nous mènera.
Mais le raidillon impossible à remonter n'est pas simple à descendre non plus. Il faut s'accrocher aux branches. Et me voilà empêtrée dans cette végétation sauvage, la doudoune qui se prend dans les ronces et les cheveux dans les branchages. Lilou a repris confiance en elle et s'en sort mieux que moi. Les deux copines ont foncé comme des folles vers l'inconnu. On ne les voit plus.
Nous arrivons aux abords d'un aplomb rocheux. Impossible de descendre davantage. Nous remontons donc, toujours en diagonale, jusqu'à trouver une espèce de goulet tapissé de feuilles mortes et vierge d'arbrisseaux que je me risque à dévaler en glissade sur les fesses pour m'arrêter doucement dans les feuilles. Ayant retrouvé ses moyens, Lilou se débrouille pour me rattraper.
La suite se fait plus sereinement, avec la vision d'un herbage un peu plus bas. Mais là, nous nous heurtons à une clôture à moutons qu'il faut longer dans les ronciers. La chevelure martyrisée, je commence à m'énerver un peu. Et puis, de l'autre côté, je vois un jeune chien tout noir que je ne reconnais pas sur le moment : c'est Juanita qui s'est roulée dans la boue, très vite rejointe par Patte Blanche, sa presque jumelle, dans le même état. Lilou comprend très vite comment passer sous la palissade pour les retrouver tandis que je m'écartèle pour l'enjamber par-dessus.
Et là, enfin, je reconnais le paysage. Je sais où nous sommes. Beaucoup, beaucoup plus bas, dans un verger où sont installées des ruches. Ces fameuses ruches que Lilou (toujours Lilou) a approchées de trop près un jour de printemps... ce qui m'a occasionné une belle galopade sur au moins un kilomètre avec un vrombissement autour de la tête et au final plus de vingt piqûres dans le dos et sur le crâne. Une véritable scène de dessin animé. Au bout du compte, j''y ai survécu. La preuve, me revoilà !
Je m'aperçois également que si j'avais continué mon périple à mi-pente au lieu de décider de descendre une bonne fois, nous nous serions heurtées à un escarpement rocheux très abrupt qui cerne le fond de ce verger. Bon sang, quelle péripétie, encore une fois !