Cette pépite vient d’être redécouverte par L’Arbre vengeur, tout comme Le Nuage pourpre de M. P. Shiel, chroniqué dans Gandahar 15.
En 1931, La Mort du fer a fait partie des finalistes du prix Goncourt, attribué en bout de course à Jean Fayard.
D’autres romans avaient déjà traité du même sujet : La Famine de fer d'Henri Allorge en 1913, Le Fer qui meurt de Raoul Bigot en 1918 ou encore La Grande panique de l'acier d'Irvin Lester et Fletcher Pratt en 1928, mais ce qui donne à La Mort du fer son côté remarquable c’est bien sa dimension visionnaire.
Dans une usine sidérurgique située dans le nord de la France, des dysfonctionnements répétitifs produisent de curieux accidents. On finit par se rendre compte que le fer a perdu ses propriétés aux endroits où il se couvre de bleu.
Et survient la pandémie de sidérie, le Mal bleu, une sorte de maladie contagieuse qui atteint toute construction en fer et qu’on présume d’origine extraterrestre. Naturellement, c’est le mystérieux ingénieur Sélévine, celui qui réfléchit autrement, qu’on soupçonne d’avoir délibérément contaminé son usine avec un métal provenant d’une météorite.
« Un jour viendra, songeait Sélévine, où le dernier arbre périra sur la terre stérilisée par l’effort de la race. Alors, à la place des floraisons et des forêts, on ne verra plus que les architectures de l’acier, dressant leurs flèches, courbant leurs vertèbres, découpant sur un horizon fumeux leurs squelettes enchevêtrés. Les pétrifications dures et les cristaux anguleux remplaceront les molles courbes et les exubérances de la vie ».
Tout se dérègle ensuite petit à petit et on assiste au délitement d’une société qui vacille sur ses bases et sombre dans la violence et l’anarchie.
L’intrigue présente dans ce récit reste au second plan. Elle sert de prétexte à la description méticuleuse, intelligente d’un effondrement sociétal et politique que l’on peut aisément mettre en parallèle avec certaines périodes historiques qui ont suivi, voire même avec notre actualité.
Sélévine n’est pas immédiatement identifiable comme le personnage central du roman, mais c’est au travers de sa pensée que l’auteur nous livre des réflexions qui s’élèvent progressivement vers la spiritualité.
« Un jour viendra où la Conscience de l’univers, sommeillante en chacun de nous, deviendra une présence réelle. L’homme verra alors les choses dépouillées de leurs représentations artificielles, dans leur généralité et leur essence. Il se délivrera des conventions du Temps et de l’Espace, établira la cohésion de l’âme avec le monde environnant, participera à la plénitude et à la grandeur du Cosmos. » CB
Gandahar n°21, décembre 2019
Écrire commentaire