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Croismare - La Vezouze, l'église St Léger, la verrerie d'Art Muller Frères

Voici des lustres que mon père m'a demandé une peinture de son village. Il voudrait y voir la rivière qui nous rappelle de nombreuses baignades d'enfance et le clocher de son église.

Pas facile de trouver l'angle d'attaque.

Le village de Croismare, un tout petit village lorrain de rien du tout, a tout de même été le berceau de fabrication de nombreuses pièces d'art Muller Frères, aussi réputés à l'heure actuelle que Lalique, Gallé ou Daum. Il reste encore de belles lampes ou de beaux vases dans les familles, y-compris dans la mienne.

 

Les deux bâtiments principaux de la verrerie ayant disparu, il me fallait trouver des photos ou cartes postales représentant la fabrique à l'époque. Or, à mon étonnement, je me suis aperçue qu'il n'y avait quasiment rien ! Je me suis donc débrouillée avec les rares documents que j'ai trouvés sur internet et le livre de Benoît Tallot Les Frères Muller Maîtres verriers à Lunéville, publié aux Éditions Serpenoise.

J'ai eu la chance de dégoter un dessin, assez lugubre, mais vu les circonstances..., d'un soldat dont la compagnie passa dans les environs de Croismare en novembre 1914. De ce dessin au trait, j'ai tiré la mise en place de mon sujet que j'ai essayé de rendre un peu plus vivant, même si je reconnais que le dessin d'origine a une grande force d'expression dans son dénuement. J'ai également corrigé les approximations en me référant aux plans contenus dans le livre de Benoît Tallot. L'église, par exemple, n'est pas tournée dans le bon sens.

 

Voici donc ce dessin qui n'a d'intérêt, je pense, que pour les habitants du village. L'endroit où se situe l'observateur est très inhabituel car il n'y a aucun chemin pour s'y rendre. C'est vraiment du plein champ.

Extrait du journal d'un soldat en campagne aux alentours de Croismare pendant la guerre de 14-18

À noter qu'à cette époque, la verrerie s'appelait encore Gobelèterie Hinzelin et produisait de fort beaux verres soufflés à la bouche et gravés dont j'ai, ma foi, cassé quelques-uns dans ma jeunesse, à tel point qu'il me reste dans ma famille le sobriquet de "Briseuse de verres".

La taillerie de la gobelèterie Hinzelin, carte postale de 1906

J'ai d'ailleurs un petit secret : ma collection personnelle de bouchons de flacons à parfum, une partie de ceux que ma petite sœur et un de ses copains ont déterrés en jouant à proximité des cités de la fabrique. Dommage que celui avec les naïades soit cassé car il devait être de toute beauté, un vrai travail de miniaturiste.

Au début de leur aventure (à partir de 1895), les frères Muller (Henri suivi de Désiré) s'installent dans un atelier de Lunéville et travaillent sur du verre qui leur est fourni par la verrerie de Croismare. Ils signent leurs œuvres par l'initiale de leur prénom suivie de Croismare près Nancy. La signature est gravée à la pointe ou à chaud avec un tampon. Ces premiers "Muller" sont très rares et très recherchés ! Ce sont en général des décors floraux gravés à l'acide et/ou à la molette sur du verre multicouche.

 

Formés à Bitche, Henri et Camille Muller quittent la ville après l’annexion de l’Alsace-Lorraine en 1870 et travaillent à Nancy chez Gallé. Leurs frères Pierre, Désiré, Victor et Eugène font leur apprentissage dans la manufacture nancéenne et y acquièrent toutes les techniques verrières. Puis les six frères lancent leur propre production vers 1900 soufflant le verre à Croismare et le décorant à Lunéville. La fabrique rencontre le succès grâce à la complémentarité de la fratrie. De 1905 à 1908, Désiré et Eugène travaillent en Belgique à la cristallerie de Val-Saint-Lambert.

Les créations des frères Muller sont très marquées par le style de Gallé et l’école de Nancy dont ils reprennent l’inspiration naturaliste : oiseaux, papillons, chauves-souris côtoient iris, ombellifères et glycines. Leur technique est celle de la superposition des couches de verres qui sont ensuite gravées à l’acide ou à la roue et permettent de nombreux effets décoratifs. Avant la guerre de 1914, les créations portent généralement la signature de « Muller Croismare ». La mention de Lunéville n’apparaît qu’après.

Rare et imposant vase en pâte de verre gravée époque Art Déco vers 1920 signé en camée Muller Frères Lunéville situé dans le décor.

Épreuve en verre multicouche (triple épaisseur) à décor gravé à l'acide et repris à la roue figurant des Anémones de couleurs mauve violine et rouge lie de vin à feuillages brun sur un fond satiné nuagé à riches couleurs simulant un paysage d'esprit impressionniste. Travail d'une grande finesse à décor toutes faces.

Il mesure 27 cm de haut X 27 cm de diamètre X 85 cm de circonférence.

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